Récit: Rewari International : Œuvrer sans relâche


28ans
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c’est un âge auquel on s’affirme. On dit même souvent que c’est l’âge mûr d’un athlète, alliant force et expérience. Mais qu’en est-il d’une
mission? Qu’en est-il d’une oeuvre, d’un dévouement?
Quand Paul Vandenbroeck s’est retrouvé assis, par hasard, aux côtés de Robin Masih à Manille en 1989, imaginait-il un seul instant que des milliers de vies en seraient transformées? Une amitié née d’une rencontre fortuite, d’une foi commune, d’une confiance mutuelle, voilà ce qui constitue le socle, la force de Rewari International.

En 28 ans, sous l’impulsion de nos partenaires, Robin et Angeleena Masih,  l’oeuvre a changé le destin de milliers d’enfants nés dans les bidonvilles grâce à leur approche intégrée dans leur lutte contre la pauvreté. Un dispensaire a
vu le jour, des tutorats, une école, un bus scolaire, une ferme. L’équipe s’est étoffée, les activités se sont multipliées. Une expérience riche qui permet
d’effectuer des choix judicieux. Entretemps, l’Inde a changé de visage et Rewari s’est transformée. Le chaos est toujours présent, mais la ville s’est encerclée de gratte-ciels et dotée de centres commerciaux qui semblent attendre patiemment que le peuple soit capable d’y consommer. La misère, elle, n’a pas disparu, mais semble s’être atténuée… un peu… Y avons-nous contribué ? Sans
doute… un peu…

Lors de mon premier voyage en 2006, je découvrais le travail sur place au coeur d’immenses bidonvilles et le rêve d’y construire une école. En 2010, j’inaugurais l’école du Bon Berger qui y avait remplacé le sable et les herbes
sèches. En janvier de cette année-ci, j’y célébrais sa reconnaissance officielle par le gouvernement indien qui confirme pleinement son impact auprès de la population locale.
En plus de l’école, 4 tutorats se remplissent tous les jours d’enfants avides d’apprendre. Ils sont 250 environ à y recevoir gratuitement l’enseignement des matières essentielles pour pouvoir se débrouiller. Ces tutorats se situent au coeur des zones délabrées. C’est l’essence même du travail de toute l’équipe sur place, le premier contact avec ces populations délaissées, touchées par l’extrême pauvreté. Ils sont également des points de chute pour les distributions de vivres, vêtements ou autres en fonction des besoins. C’est dans celui de Bangla Basti que j’ai d’ailleurs eu l’occasion d’offrir les premiers colis de nourriture, fruits de notre action spéciale pour les fêtes de fin d’année. Aujourd’hui les terrains vagues, garnis d’abris de fortune, s’y sont atrophiés. Le travail avance. C’est à travers les tutorats que Robin et son équipe peuvent faire plus ample connaissance avec les différentes familles de castes inférieures et tisser, avec elles, une relation de confiance sur laquelle construire une aide efficace. Petit à petit, elles retrouvent leur dignité et les centaines d’enfants qui ont trouvé un emploi grâce à l’attention reçue sont autant de témoins de la pertinence et de la force du travail accompli.

Le plus grand défi de la lutte contre la pauvreté, c’est d’enclencher une transformation. Chaque projet doit aider une communauté à se développer
et à assurer son autonomie. Un des projets de Robin est de trouver un meilleur rendement pour la ferme. Bientôt devrait voir le jour la culture de pitaya, aussi appelé « fruit du dragon ». Ce cactus nécessite 5 à 10 fois moins d’eau que n’importe quelle autre plante. Dans une zone aride à la frontière du Rajasthan, c’est une qualité appréciable. Son fruit possède de nombreuses vertus et la demande en est de plus en plus forte. Sa culture pourrait créer une source intéressante de revenus à réinjecter dans les activités… L’oeuvre se poursuit et se réinvente.
La lutte contre la pauvreté est peut-être le seul travail dont l’objectif est de ne plus devoir exister et dont l’envie de disparaître est animée d’une abnégation, d’une motivation sans faille et d’un extraordinaire amour de son prochain.
Robin, Angeleena et leurs coéquipiers s’affirment plus que jamais dans cette vision. Le travail se poursuit, le futur s’organise et la relève prend forme.

A 28 ans on s’affirme, à l’inverse de l’athlète qui redoute la fin de son parcours,
on l’espère… Mais on répare ce qui doit l’être et on prépare l’avenir minutieusement aussi.

Yoann Mahieu

Retrouvez cet article et bien d’autres dans notre SEl Projets News n° 46